INTERVIEW
« CONCILIER APPARENCE ET ÂGE RESSENTI INTÉRIEUREMENT »
Maurice Mimoun,
Professeur de médecine, dirige le Service de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique de l’hôpital Saint-Louis, à Paris. Auteur de nombreux ouvrages sur sa vie de praticien, il évoque les demandes de chirurgie du rajeunissement et leurs motivations. Selon son expérience, il n’y a pas de profil type pour ces patients.
Quelle est la singularité des demandes visant à atténuer les signes du vieillissement ?
Maurice Mimoun : Deux types de chirurgie esthétique se distinguent : celle qui vise à modifier l’aspect d’un physique qui vous a été attribué à la naissance, telle que la rhinoplastie (pour se faire remodeler un nez trop imposant), la rectification d’oreilles décollées, ou la mammoplastie (pour corriger des seins trop gros ou trop petits) ; et la chirurgie dite « du vieillissement », qui vise à « revenir en arrière », et dans laquelle on peut intégrer la chirurgie des disgrâces après grossesse.
Il y a une différence fondamentale entre ces deux types de chirurgie. Celle liée au vieillissement découle souvent d’une quête personnelle pour concilier son apparence avec l’âge que l’on ressent intérieurement. L’objectif n’est pas de changer, mais de retrouver un éclat d’autrefois. L’important est de rester naturel. Ce désir de « revenir en arrière » symbolise pour certains une lutte contre l’inévitable finitude.
Dans ma pratique, ces interventions occupent une place passionnante, car elles allient l’art et la science. Cela requiert une maîtrise approfondie de l’anatomie et une écoute attentive des aspirations.
Les critères esthétiques demeurent très variables dans le monde, et, heureusement, il n’y a pas de normes. Mais il existe une singularité dans la chirurgie du vieillissement : l’humanité n’aime pas ce qui pend, tout ce qui tend à nous rapprocher du sol. On voit le symbole !
Concrètement, quelles sont les interventions les plus pratiquées ?
M.M. : En ce qui concerne le visage, les interventions courantes pour lutter contre les signes du vieillissement comprennent le lifting, pour retendre la peau et les muscles du visage et du cou, la blépharoplastie, pour rénover les paupières, les injections de toxine botulique et d’acide hyaluronique, pour combler les rides, et enfin la lipostructure, destinée à restaurer le volume. Pour ce qui intéresse le corps, on trouve des demandes pour les seins, le ventre, les bras, les cuisses. Ces techniques peuvent être utilisées seules ou en combinaison, selon les besoins.
Quel est le profil des personnes en quête d’un rajeunissement de leur apparence ?
M.M. : Chaque patient est unique. Aucun « profil type » ne se détache. On a plutôt affaire à une vaste palette de personnes, de tous âges, sexes et horizons. Certaines cherchent des corrections subtiles, d’autres souhaitent des transformations plus marquées. Les motivations varient également : certaines s’avèrent purement esthétiques, tandis que d’autres sont liées à des préoccupations psychologiques, ou des désirs d’alignement de son apparence extérieure avec la perception intérieure de soi.
Selon quels critères donnez-vous suite ou non à ces demandes ?
M.M. : La sécurité est primordiale. Avant d’accepter une demande, j’évalue la santé générale du patient. De nombreuses interventions peuvent être pratiquées sous anesthésie locale, comme certains liftings du visage ou blépharoplasties en ambulatoire, mais il est important de s’attacher à comprendre les motivations du patient, de distinguer entre une démarche personnelle réfléchie et une démarche guidée par des pressions externes. Il est crucial d’aligner les attentes du demandeur avec ce qui est chirurgicalement possible : si une requête ne révèle pas du réalisable, ou si je sens que l’intervention ne bénéficiera pas à la personne, je décide d’y surseoir. Enfin, il faut détecter les problèmes de ce que j’ai appelé le « corps-écran » : derrière la demande physique se cachent parfois des difficultés psychologiques qu’il convient de démêler avant tout geste.
Aujourd’hui, à la double condition d’une bonne écoute et de techniques maîtrisées par des chirurgiens qui en ont l’habitude, les résultats satisfont régulièrement les patients.
Propos recueillis par Hélène Joinet
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LES CAHIERS n°182